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Reincarnated as a Azure Dragon

Nikimaruo
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Synopsis
Dans un monde où la magie s’efface lentement face à l’oubli, Caelum, un ancien psychologue humain réincarné en dragon millénaire, vit reclus au sommet des montagnes de Drakon. Redouté comme une force mythique, il veille en silence sur le royaume d’Aethelgard, dissimulant son passé d’homme sous des écailles d’obsidienne et des ailes colossales. Mais l’équilibre du monde vacille.
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Chapter 1 - L’éveil de la faille

La lumière filtrant à travers les nuages d'orage baignait les pics enneigés d'un éclat livide. J'étais encore perché sur la crête, silencieux, tandis que le vent hurlait autour de moi. Le trouble qui m'avait effleuré la veille ne s'était pas dissipé. Il s'était intensifié, comme un tambour lointain que seuls mes sens draconiques pouvaient percevoir. Il vibrait sous mes écailles, remontait le long de ma colonne, s'insinuait dans mes pensées.

Quelque chose avait changé dans le monde.

Je quittai mon trône de pierre d'un battement d'ailes, faisant s'éparpiller la neige dans un souffle. Mes ailes, vastes comme des voiles de guerre, fendaient l'air avec une grâce sinistre. Je volais sans direction précise, porté par l'instinct. Le ciel, d'un gris menaçant, s'ouvrait devant moi comme un théâtre ancien prêt à dévoiler ses secrets.

À mesure que je descendais vers les vallées d'Aethelgard, le lien étrange que je ressentais grandissait. Il y avait un point d'ancrage, une faille. Non pas dans le sol, mais dans la trame même de la magie. Quelque chose dans l'équilibre était rompu. Et ce n'était pas un phénomène naturel.

Je connaissais ces terres mieux que quiconque. J'en avais observé les changements, les hivers cruels, les printemps généreux, les guerres des rois et les prières des peuples. Mais aujourd'hui, les arbres eux-mêmes semblaient retenir leur souffle. Les rivières murmuraient un langage que je n'avais jamais entendu. Les créatures de la forêt s'enfuyaient à mon approche, non pas par peur — elles avaient depuis longtemps compris que je n'étais pas leur ennemi — mais par nervosité. Comme si elles aussi percevaient l'approche d'un mal ancien.

Mon vol me mena jusqu'à la forêt d'Arvellan, une mer d'émeraude qui s'étendait au pied des montagnes. Là, les flux magiques étaient plus forts, plus purs. Si une anomalie avait vraiment perturbé l'équilibre, c'était ici que je la trouverais.

Je me posai en silence, faisant vibrer le sol sous mon poids. Mes griffes noires entaillèrent la mousse humide. Immobile, je refermai mes ailes et tendis mes sens. Rien. Puis… une pulsation. Comme un battement de cœur dans le sol. Lent, irrégulier, chargé d'une énergie étrange et familière à la fois. Je me baissai, posant ma patte contre le sol. La magie ici était blessée.

Un cercle de pierre ancien se dessinait entre les arbres, à moitié englouti par le temps et la végétation. Des symboles y étaient gravés, des runes oubliées, peut-être même de ma propre époque… ou d'avant. Je n'avais jamais vu ce cercle. Il n'était pas là il y a un siècle.

Je repris forme humaine.

Le passage fut toujours étrange, même après tant d'années. La masse colossale se réduisit en un souffle, mes ailes repliées se dissipèrent dans l'air, mes griffes devinrent doigts. Mes pieds nus touchèrent la mousse froide. Mon corps d'homme se redressa, vêtu d'un long manteau noir flottant dans la brise. Mes cheveux, bleus comme une mer profonde, tombèrent sur mes épaules. Je sentis à nouveau le poids de la gravité, le souffle plus court, les battements de cœur plus faibles. Plus… humains.

Je m'agenouillai devant le cercle. Une odeur de cendres flottait dans l'air. Je posai ma main sur la pierre.

Une vision me frappa.

Flammes. Cris. Une tour d'argent s'effondrant dans le ciel. Une silhouette encapuchonnée, dressée devant un autel noir. Des chaînes d'ombre s'enroulant autour d'un être d'énergie pure. Puis, le cercle. Ce même cercle. Et un mot prononcé dans une langue que je ne comprenais pas, mais que mon âme reconnut : Ruyn'kara.

Je me redressai, le souffle court. Pas un simple souvenir, mais une empreinte. Une mémoire laissée ici, plantée comme un avertissement. Quelqu'un — ou quelque chose — avait violé un ancien pacte.

Je sentis le sol vibrer à nouveau. Une faille magique venait de se rouvrir, non loin d'ici.

Et je n'étais pas seul.

Des pas. Légers. Rapides. Humains.

Je ne bougeai pas, mais mon aura s'étendit. Mon souffle se fit plus glacé. Si cet être venait perturber ce lieu sacré, il en paierait le prix.

Une silhouette apparut entre les arbres. Une jeune femme, enveloppée dans une cape en fourrure sombre, les cheveux attachés en une tresse désordonnée, les yeux brillants d'une magie contenue. Elle me vit, s'arrêta net, puis leva lentement les mains.

— Je ne veux pas me battre, dit-elle d'une voix calme. Je suis venue pour le cercle. Comme vous.

Je la dévisageai. Elle avait la langue d'Aethelgard, mais son accent était ancien. Comme celui des érudits du Sud. Elle ne semblait pas surprise par ma présence. Ni par mon aura. Ce n'était pas une simple promeneuse.

— Tu sens la magie, répondis-je. Mais ce cercle est plus vieux que ta lignée. Pourquoi es-tu là ?

Elle hésita, puis s'avança lentement.

— Mon nom est Elira. Je suis une Gardienne. Ou ce qu'il en reste. Mon ordre a été détruit il y a deux lunes. Quelqu'un… ou quelque chose… est revenu. Et nous pensons que le cercle est lié.

Gardienne. Ce nom éveilla quelque chose en moi. Des souvenirs flous, lointains. Des femmes et des hommes chargés de protéger les anciens savoirs, de maintenir les équilibres. Une caste presque disparue depuis l'âge des Rois-Mages. Et pourtant… elle disait vrai. Je le sentais.

— Tu as vu la faille ? demandai-je.

Elle hocha la tête.

— Elle s'est ouverte cette nuit. Pas loin d'ici. L'énergie qu'elle dégage est… toxique. Elle corrompt ce qu'elle touche. Les bêtes fuient. Les arbres meurent. Et la magie devient instable.

Je la regardai longuement. Ses yeux n'étaient pas ceux d'une menteuse. Ils portaient la même fatigue que les miens. La même conscience de la fragilité du monde.

— Alors nous irons ensemble, dis-je simplement. Montre-moi la faille.

Elle parut surprise, mais acquiesça sans un mot.

Nous traversâmes la forêt en silence. Le ciel s'assombrissait. Les oiseaux s'étaient tus. Chaque pas semblait nous rapprocher d'une réalité parallèle, plus sombre, plus ancienne. Elira marchait vite, mais toujours avec une prudence presque instinctive. Moi, je la suivais, les sens à l'affût. J'avais appris, au fil des siècles, à respecter l'instinct des Gardiens. Ils voyaient parfois ce que moi, même avec mes yeux de dragon, ne pouvais discerner.

Nous débouchâmes enfin sur une clairière.

Et je la vis.

La faille.

Une déchirure suspendue dans l'air, comme si le tissu même de la réalité avait été lacéré. Une lumière pourpre pulsait à l'intérieur, palpitante, irrégulière. Autour, le sol était craquelé, les arbres noircis, la végétation morte. La magie y tourbillonnait, instable, déchaînée.

Je m'arrêtai à quelques pas. Mon souffle se coupa.

Ce n'était pas une faille naturelle. C'était une brèche. Une ouverture délibérément créée.

Quelqu'un avait forcé un passage.

— C'est ici qu'ils ont attaqué mon ordre, murmura Elira. Les autres… ils ont disparu. Avalés. Je suis la seule à avoir fui. La faille s'est ouverte au centre du temple.

Je fermai les yeux. La brèche pulsait au rythme d'un cœur monstrueux. Et derrière, je sentais autre chose. Une conscience. Quelqu'un — ou quelque chose — nous observait.

Je posai ma main contre le sol.

Et je parlai en ancien langage.

— Aeria val'mor ruyn-kael. Montre-toi.

Rien.

Puis, un murmure. Un rire, venu d'ailleurs. Et une voix, douce et traînante, s'insinua dans mon esprit.

— Tu as changé, Caelum.

Je me figeai.

La faille vibra, et une silhouette se dessina brièvement dans la lumière. Un masque d'ombre. Des yeux pâles. Un souvenir que je croyais effacé.

Une voix que je n'avais pas entendue depuis des siècles.

— Nous nous retrouverons bientôt, souffla-t-elle.

Puis la faille se referma brusquement, dans un cri déchirant, projetant une onde de choc dans la forêt.

Elira s'écroula. Je la rattrapai de justesse.

Elle ouvrit les yeux, tremblante.

— Qu'est-ce que c'était ? demanda-t-elle.

Je serrai les dents.

— Un ennemi oublié. Et il est revenu.